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Quelle différence faut-il faire entre une amende et des dommages et intérêts en droit béninois ?

Afrique - Droits nationaux
08/02/2019
Amende et dommages et intérêts sont deux notions qui ont souvent tendance à être confondues dans l’esprit du public, du fait des similarités qu’elles présentent tant du point de vue de l’origine de la condamnation que du débiteur des sommes. Cette confusion n’a pourtant pas lieu d’être. L'analyse de  Sylvie Bissaloué, docteur en droit et chargée de cours à l’université de Parakou (Bénin), avocate au Barreau de Lyon.
On a souvent tendance à confondre amende et dommages et intérêts. Ainsi dans la médiatique affaire ICC-services (1), le procureur de la République a requis contre les prévenus, des peines allant jusqu’à 12 ans de prison et 150 millions de francs CFA d’amende. Le justiciable béninois pourrait trouver cette amende insignifiante en comparaison des sommes en cause dans cette affaire d’escroquerie à grande échelle avec, au centre, 150 000 victimes et plus de 150 milliards de francs CFA spoliés (près de 230 millions d’euros). Mais attention, il ne faut pas confondre l’amende et les dommages et intérêts.
 
Les dommages et intérêts sont des sommes fixées par une juridiction pénale ou civile et destinées à réparer un dommage matériel, physique ou moral subi par une victime. Ils trouvent leur fondement dans la responsabilité civile générée par la faute de l’auteur.
 
Cette responsabilité peut être contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle. Tandis que la première est prévue aux articles 1147 du Code civil béninois et suivants (C. civ., art.1231-1 et s.), ce sont les articles 1382 et suivants du Code civil qui constituent le siège de la responsabilité civile contractuelle en droit béninois (C. civ., art. 1240).
 
Les dommages et intérêts sont payés par l’auteur de la faute directement à la victime. Ils sont sollicités par la victime elle-même. Le juge est libre de les accorder ou de s’y refuser. Il peut également attribuer une somme inférieure à celle réclamée. 

Le montant des dommages et intérêts est évalué en fonction du préjudice subi. Son calcul tient compte des conséquences physiques et morales du dommage, des frais engagés par la victime et des pertes financières engendrées par le dommage. Le principe est celui de la réparation intégrale.
 
Dans l’affaire ICC-Services citée, le montant des dommages et intérêts pourrait correspondre à la somme de 150 milliards de Francs CFA (230 millions d’euros) équivalent au montant des sommes spoliées. Ce chiffre peut évoluer à la hausse si les victimes invoquent devant le juge un préjudice moral résultant du traumatisme que leur aurait causé la perte de leur investissement et dont elles demandent réparation.
 
L’amende est quant à elle, une peine qui peut être prononcée par un tribunal pénal au profit de l’État. Elle répare une violation de la loi. Elle est souvent prononcée en complément d’une peine de prison comme l’envisage l’article 413 du Code de procédure pénale béninois (CPPB).
 
Lorsque l’infraction est mineure (notamment en matière de contravention), l’amende peut être prononcée seule. Dans ce cas, elle n’est pas suivie d’une peine de prison (CPPB, art. 414). Outre l’hypothèse classique des contraventions à la circulation, l’amende peut viser à sanctionner un comportement que le tribunal juge inopportun : refus de témoigner, refus de répondre à une injonction, manquement d’un agent de police, par exemple (v. CPPB, art. 458).
 
L’amende étant destinée aux caisses de l’État, elle pourra être recouvrée par le comptable du Trésor public.
 
L’amende relève essentiellement de la matière pénale. À cet effet, on distingue l'amende classique, prononcée par les juridictions pénales de l'amende forfaitaire, notifiée par les forces de l'ordre (en cas de violation du Code de la route, par exemple).
 
Il existe cependant des hypothèses dans lesquelles l’amende peut être prononcée par le juge civil. C’est le cas en matière d'abus d'ester en justice.
 
L’abus du droit d’ester en justice désigne le fait pour une personne d’abuser de son droit de poursuivre quelqu’un en justice. En effet, si toute personne a le droit de saisir un juge lorsqu’elle s’estime victime d’une injustice, il convient de garder à l’esprit que son action ne doit pas être intentée dans un but malveillant. Autrement, cette action pourrait se retourner contre celle qui l’intente et l’exposer à des poursuites civiles ou pénales selon le cas. Lorsque le juge estime que l’action a été abusive ou que le demandeur n’en a pris l’initiative que pour retarder la reconnaissance des droits de son adversaire, il est en mesure de le condamner à une amende civile.
 
L’amende civile ne peut être prononcée uniquement que contre le demandeur ou requérant et non contre le défendeur.
 
L’amende est déterminée sans préjudice de tous dommages et intérêts susceptibles d’être accordés.
 
(1) L’affaire ICC-Services (Investment Consultancy and Computering Services) désigne l’une des plus grandes escroqueries collectives jamais perpétrées au Bénin par une structure de placement illégal de capitaux opérant à la manière des systèmes Ponzi. C’est une affaire Bernard Maldoff à la Béninoise sur laquelle nous reviendrons dans nos prochaines publications.
 
 
Source : Actualités du droit