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Publication irrégulière d'une sommation d'huissier au service de la publicité foncière : compétence juridictionnelle et sanction

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
21/06/2017
La publication d’une sommation délivrée par huissier de justice peut-elle faire l’objet d’une mainlevée ordonnée par le juge des référés, alors que le juge de la mise en état est saisi au fond ?
Les faits de l'espèce étaient les suivants. Par une délibération du 29 octobre 2012, le conseil municipal de la commune de Saint-Pierre de la Réunion autorise la conclusion d'une promesse unilatérale de vente relative à une parcelle communale au profit d’une société foncière. Cette promesse est conclue le 17 décembre 2012.
Le 12 juillet 2013, la société fait délivrer à un notaire, par huissier de justice, une sommation d'avoir à convoquer le maire d’une commune en vue de la signature d’un contrat d'échange de parcelles. La sommation est publiée au service de la publicité foncière le 29 juillet 2013.

Le 7 avril 2014, le Tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion est saisi d'une instance au fond, en raison de l’assignation signifiée à la commune. L’affaire est renvoyée à la mise en état.
Estimant que cette inscription avait été acceptée à tort par les services de la publicité foncière, la commune saisit le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Pierre le 18 juin 2014, en vue d’obtenir la mainlevée de la publication.

Par ordonnance du 19 novembre 2014, ce dernier se déclare incompétent, au motif que le juge de la mise en état près le Tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion a été antérieurement saisi de la même demande. La commune interjette appel le 13 janvier 2015.

Le 1er décembre 2015, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion fait droit à la demande de mainlevée de la publication de la sommation d'huissier de justice. Rappelant à la fois les dispositions de l’article 808 du Code de procédure civile et celles de l’article 771 du même code, la cour d’appel estime que la mainlevée demandée n'est pas une mesure de nature provisoire relevant des pouvoirs du juge de la mise en état et règle donc le conflit de compétences en faveur du juge des référés. Caractérisant l’urgence par l'atteinte portée au droit de la commune de disposer de son domaine privé et constatant qu’une sommation d'huissier n'entre pas dans la catégorie des actes énumérés par l'article 710-1 du Code civil comme pouvant donner lieu aux formalités de publicité foncière, les juges du fond ordonnent la mainlevée de l’inscription et condamnent la société foncière aux dépens.

Le directeur général des finances publiques et le chef de service chargé de la publicité foncière forment un pourvoi en cassation. La société foncière forme un pourvoi incident. Plusieurs problématiques étaient donc soulevées devant la Cour de cassation, l’une relative à la possibilité ou non de publier une sommation, l’autre portant sur la détermination du juge compétent pour statuer.
 
Sur le point de savoir une sommation d'huissier de justice est ou non susceptible d’être publiée au service de la publicité foncière, la troisième chambre civile de la Cour de cassation se range à l’avis des juges du fond. La sommation délivrée par huissier de justice, qui ne se rattache à aucune action en justice, n’entre pas dans la catégorie des actes énumérés par l’article 710-1 du Code civil pouvant donner lieu aux formalités de publicité foncière.
Toutefois, la Cour de cassation invalide le raisonnement des magistrats d’appel, pour fasse application de l’article 2240 du Code civil, sur la question de la sanction encourue. Elle énonce en effet que « la sanction de la publication d’un acte qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’une mention à la publicité foncière ne réside pas dans sa mainlevée ou sa radiation, mais dans la publication d’une décision jugeant qu’elle ne peut produire aucun effet ».
 
Sur le point de savoir quel était le juge compétent pour statuer sur la demande de mainlevée, la Cour de cassation se range entièrement à l’appréciation des juges du fond. Elle confirme que « si les litiges avaient la même origine, leur objet était différent et que si la société foncière évoquait au fond la publication de la sommation, elle n’en tirait aucun droit particulier ». La cour d’appel en a donc « exactement déduit que le juge des référés était compétent en dépit de la saisine du juge de la mise en état ». Par ailleurs, en considérant que l’urgence nécessaire à la mise en œuvre des pouvoirs du juge des référés était caractérisée par l’atteinte portée au droit de la commune de disposer de son domaine privé, la cour d’appel a également exactement considéré que la demande de mainlevée pouvait être examinée en référé.
 
Source : Actualités du droit